Elle sera à l’Olympia le 5 décembre à guichets fermés : Barbara Pravi est passée le 30 septembre par le théâtre de Brunoy, puis par le théâtre Simone Signoret de Conflans Saint Honorine le 8 octobre. Après avoir touché le cœur du public avec le titre "Voilà", devenu l'hymne francophone de l’Eurovision 2021, l’autrice- compositrice attire depuis quelque mois les attentions de la scène musicale. Avec des chansons intimes, uniquement du vécu comme Barbara Pravi l’a confié à Boris Blais.
Révélation féminine de l’année aux Victoires de la musique. Est-ce le prix de beaucoup d’efforts ?
Oui, mais tout est le prix de beaucoup d’efforts. De toute façon, n’importe quelle réussite, quelle qu’elle soit, et qu’elle ait un prix au bout ou qu’elle soit personnelle. En général, on travaille pour réussir, pour fabriquer les choses donc oui, mais elle n’est pas plus importante que le jour où j’aurai mon permis par exemple !
Parlons un peu de ton répertoire et de ce qui t’inspire. On a des chansons sensibles, des chansons à texte. Je pense aussi à certaines chansons comme « le Malamour » ou encore « Chair ». C’est du vécu ?
Bien sûr. De toute façon, tout ce que j’écris est pour l’instant autobiographique. Peut-être qu’un jour j’arriverai à faire autrement, à écrire des histoires sur des choses que je ne connais pas. Mais pour l’instant, je le sens pas du tout comme ça. En fait, pour moi, faire de la musique, c’est mettre des mots sur des émotions qui sont multiples et c’est réussir justement à les déceler à l’intérieur d’un même sentiment. Et du coup, c’est important pour moi d’écrire sur des choses que je connais, parce qu’en fait, je sais que mes mots sont justes pour moi : je n’ai jamais peur de chanter mes chansons. Ça fait un an que je suis en tournée et je ne m’en lasse toujours pas. Et je pense que je ne m’en lasserait jamais. Je pense que c’est lié à ça : au fait que ce soit uniquement des choses vécues. Et donc du coup, quand je les chante, c’est comme si j’étais projetée à un endroit de mon émotion qui est véritable, où ça vibre en moi.
Cela demande aussi de vaincre une certaine pudeur. Parler comme ça au grand public, de choses très personnelles… ?
Tout à fait. Mais moi, je ne le ressens pas comme ça. C’est à dire que ça, je pense que c’est un avis extérieur. Pour moi, c’est une nécessité, sinon je ne le ferai pas. Jamais je me suis dit « j’ai une pudeur à cet endroit là ». Je ne réfléchis pas les choses comme ça. À chaque fois que j’écris quelque chose, surtout sur ces sujets-là, moi, ça m’aide à guérir. Donc du coup, je ressens pas la pudeur.
Il y a une chanson, qui est une réponse à Orelsan. Qu’est ce qui a motivé cette idée ?
C’était la deuxième année que je faisais une chanson pour la Journée internationale des droits des femmes. Et en fait, la première année, j’avais fait une réécriture de Kid d’Eddy De Pretto. En fait, j’avais fait la version féminine, et du coup, l’année d’après, en entendant « note pour trop tard » d’Orelsan, et la façon dont c’était construit, c’est à dire parler à l’enfant qu’on était et un peu lui donner les checkpoints, « où est ce que j’en suis et toutes les bêtises que tu vas faire et que tu aurais pu éviter ? », je me suis dit que ça pouvait être utile de faire une version féminine de ça. En tout cas, moi, elle m’a été utile à ce moment-là. Je l’ai vraiment écrite pour moi, pour me rebooster.
Dans tes chansons, tu fais souvent référence à la mémoire. Mémoire de la chair, mémoire de la famille avec « Deda ». Et puis aussi « la ritournelle » où là, cette fois, on perd la mémoire.
Ben la mémoire, et tu l’as très bien dit, elle est multiple. Je pense souvent à mon grand-père parce que lui, quand j’avais treize ans, il m’a dit « tu sais, le seul regret est de ne pas avoir tenu un journal de ma vie. Parce qu’en fait, aujourd’hui, je vieilli et j’aurais aimé pouvoir vous raconter les choses exactement telles qu’elles se sont vécues, telles que je les ai vécues, sans le filtre du temps qui passe. » Et on s’arrange bien un peu avec sa conscience. Du coup, je suis assez obsédée par ça, mais je pense comme n’importe quel humain. En fait, à un moment donné, on voit le temps passer ; moi je ne le vois pas encore, mais je sais que ma mère, par exemple, commence à le voir passer. Et en fait, comment on fait pour le rattraper ? Comment on fait pour être conscient de la vie qu’on a eue, du bien qu’on a fait aux autres ? C’est tout une espèce de truc un peu fou le temps… quand on y pense.
« La ritournelle », c’est aussi plein d’émotions… une histoire, que cette fois tu n’as pas vécue ?
En fait, sous une certaine forme, si je l’ai vécue : c’est une chanson qui parle d’Alzheimer et j’ai vu mon grand-père devenir fou avec à s’occuper de ma grand-mère qui perdait complètement la boule et qui, en l’espace de dix minutes, pouvait faire des déclarations d’amour incroyables, puis ensuite redevenir une gamine de cinq ans. Puis ensuite se mettre à pleurer parce qu’elle ne savait plus où elle était, chercher sa maison… c’est vraiment du délire. Et moi j’ai pris le point de vue de la personne qui aime et qui subit la dégénérescence. Donc si, quelque part je l’ai vécu, parce que j’ai vu mon grand-père et ma grand-mère…
Cet été tu joues dans des festivals, tu joues aussi dans plusieurs théâtres : tu as une préférence ?
Dans tous les cas, il faut revenir me voir au théâtre ! Parce que les festivals, c’est un show pour tous les artistes, quels qu’ils soient. On n’a pas tous nos éléments, on n’a pas toute notre scénographie. Si on veut profiter d’un spectacle, on s’assoit dans une celle, et on prend ça comme quand on est dans une salle de cinéma. Pour moi c’est la meilleure façon de profiter d’un spectacle !
Interview réalisée par Boris Blais.